Cela fait maintenant plusieurs semaines que nous avons attaqué une étape essentielle de la saison en maraîchage : la planification. Si généralement l’activité est plutôt réalisée au creux de l’hiver et avant le redémarrage de la saison (que nous envisageons en année civile), notre parcours administratif nous a poussé à y réfléchir plus tôt. Qu’importe, on peut toujours vous expliquer en quoi ça consiste !
Un des gros défis de notre méthode de maraîchage, vous l’aurez sans doute déjà compris, est de gérer la place disponible. En effet, chaque légume et même pire, chaque variété de chaque légume a des besoins différents en termes d’espace mais surtout de temps au champ. Si l’on veut proposer une gamme de légumes diversifiés, il est important de gérer ces variations et de savoir jouer avec les temporalités. Par ailleurs, ces différences peuvent également être des atouts, un exemple, nous avons des variétés de chou-fleur qui produisent de mi-mai à mi-juillet et d’autres de mi-juillet à mi-novembre, de quoi donc en proposer à nos consommateurs sur une période plus vaste.
L’étape de la planification c’est donc un moment essentiel de notre saison : il faut calculer, anticiper et raisonner avec logique car la moindre erreur se paiera ensuite au cours de la saison. Bon, bien sûr, rien n’est irrattrapable et la capacité d’improvisation fait aussi partie des qualités du maraîcher mais c’est toujours plus sympa d’avoir l’esprit tranquille.
Une maraîchère apaisée ?
Bon mais concrètement, comment ça se passe ? Les éléments clés à avoir en tête pour réaliser une planification sont :
Soit l’ensemble des légumes, aromatiques, plantes vivaces voire fruits que l’on veut avoir à la vente. Il s’agit donc de choisir les plantes mais aussi, comme évoqué plus tôt, les variétés pour avoir une idée de quand et sur combien de temps on les proposera à la vente.
Veut-on proposer des paniers identiques à la vente ou un étal à la ferme où chaque client prend ce qu’il souhaite ? Ou bien les deux ? Vous comprendrez facilement qu’en fonction de ce choix, les quantités de chaque légume ne sont pas les mêmes.
Soit la place disponible au champ. Ce choix n’est pas anodin, avoir plus de place permet d’avoir plus de légumes mais c’est aussi plus de temps de travail et d’entretien. Il faut donc trouver l’équilibre entre ce que l’on veut idéalement produire et ce que l’on est capable d’assumer réellement. Par ailleurs, dans ce calcul, il est important aussi de différencier l’espace sous serre et l’espace de plein champ, les conditions n’étant nécessairement pas les mêmes.
L’objectif reste tout de même de pouvoir vivre dignement de sa production, il est donc important de connaître les prix de vente de chaque produit pour évidemment adapter la production, certains produits étant vendus très peu cher par rapport au temps et à la place nécessaire et inversement. La diversification des produits a aussi un intérêt économique, on peut proposer des produits peu rentables parce qu’on contrebalance avec d’autres à forte valeur ajoutée.
Vivre de sa production ne doit pas être un luxe. Au moment de la planification il est donc essentiel d'avoir à l'esprit le chiffre d'affaires que l'on doit faire pour pouvoir vivre convenablement (rembourser les prêts s'il y en a, payer le loyer, se tirer un salaire...).
Ce n’est un secret pour personne, les légumes d’été sont des légumes à forte valeur ajoutée, pire, la majorité des maraîchers font le plus gros de leur chiffre d’affaires sur cette période. C’est pourquoi certains font le choix de ne produire que sur une période courte (d’avril à septembre par exemple) quand d’autres au contraire vont étaler leur production et ne jamais s’arrêter. Quel que soit le choix que l’on fait et la raison pour laquelle on le fait, il est important de l’avoir en tête au moment de la planification : n’oublions pas par exemple que pour avoir certains choux au mois de février il faut les avoir semés au mois de mai précédent…
Une fois que l’on a tous ces éléments en tête et qu’on a réussi à les harmoniser (avoir une gamme complète sur toute la période voulue, qui rentre sur la surface prédéfinie et qui assure un équilibre financier) il faut réaliser ce qu’on appelle le plan d’assolement. Il s’agit de répartir les différents légumes sur les planches de culture et de programmer les successions (une fois que mes choux-raves sont terminés, qu’est-ce que je peux mettre tout de suite après ?) et les associations. A mi-chemin entre le Tetris et le puzzle à plus de 1 000 pièces c’est un exercice délicat mais qui apporte aussi beaucoup de satisfaction une fois que tout est à sa place.
Il ne reste alors plus qu’à créer le planning de travail de la saison à venir avec tous les éléments que l’on a en main (quand est-ce qu’on prépare quelle planche, quand est-ce qu’on sème quelle graine, quand est-ce qu’on repique quelle culture ?). C’est encore une fois un long travail mais qui permet, lorsque la saison est lancée de savoir chaque semaine ce que l’on à faire et de se tranquilliser l’esprit. Bien sûr, il arrive qu’on ne puisse pas tenir le planning ou que l’association qui nous paraissait merveilleuse au moment de la planification ne soit en fait pas si extraordinaire en pratique. Alors on apprend, on note et on essaye de faire différemment l’année suivante !
Alexandre observe les associatio
ns proposées à sa maman pour son potager. Fera-t-il les mêmes choix l'année prochaine ?
La planification est donc une course de fond qui oblige le maraîcher à rester assis sur une chaise bien plus qu’il n’en a l’habitude mais c’est aussi l’assurance d’une saison plus sereine. C’est donc un exercice essentiel dans lequel nous progresserons année après année.
P. S : Être expert en Excel est un atout indéniable pour la réalisation d’une belle planification ! Amis programmeurs, il y a un vrai champ d’expérimentation qui s’ouvre à vous pour proposer aux agriculteurs un outil modulable et fonctionnel.
Cultive ! est un projet de micro ferme en maraîchage biologique diversifié dans la périphérie de Pau.
242 rue des Prés-du-Saligat, 64110 Rontignon