L'hiver, l'ennemi des légumes ?

Dans l’imaginaire collectif l’hiver n’est pas une saison propice à la culture des légumes. On ne trouverait sur les étals que quelques légumes de garde comme des courges récoltées en automne, des pommes de terre de la fin d’été, des carottes… mais ça n’irait guère plus loin. Pire il serait même impossible de cultiver l’hiver sans énergie fossile, en gros sans chauffer les serres pour maintenir une température acceptable.

Et si on se trompait ?

La culture des légumes en hiver ne date pas d’hier et pas simplement parce qu’il paraîtrait qu’on ne peut pas arrêter de manger pendant la saison froide (pff, franchement…). L’hiver aurait un impact positif sur les légumes : il les rendrait meilleurs et plus sucrés. Plusieurs maraichers actuels dont nous nous inspirons (Coleman, Fortier…) soutiennent cette théorie mais on trouve trace de ces arguments plus tôt dans l’Histoire. Dans Le Mesnagier de Paris du XIVe siècle il est écrit « les meilleurs [choux] sont ceux qui ont été frappés par la gelée ; ils sont tendres et rapidement cuits ».

Mais ceux qui ont fait passer un cap dans les techniques pour cultiver en hiver sont les maraichers parisiens du XIXe siècle (ça vous rappelle un truc ? On développera peut-être dans un futur article). Parmi leurs techniques on peut citer les couches chaudes recyclant les excréments des chevaux de la capitale. La décomposition de ces excréments mélangés à de la paille relâche de la chaleur mise à profit pour les cultures. Bien avant les bâches en plastique et le chauffage au fioul, ils utilisaient également le principe de l’effet de serre avec des cloches en verre. Cependant, ces dernières n’avaient pas d’aération, il fallait donc déclocher chaque salade au moins une fois par jour pour éviter qu’elle cuise, un sacré chantier…

Depuis de nouvelles méthodes sont apparues. Eliot Coleman a beaucoup théorisé le sujet et selon lui il y a trois critères pour faire pousser des légumes en hiver :

• Le choix de variétés non gélives ; car oui la principale raison pour laquelle on peut faire pousser des légumes en hiver est que beaucoup d’entre eux résistent aux gels. En tout cas certaines variétés, il s’agit donc de choisir la bonne semence.
• L’optimisation du planning de culture. Le principal frein à la croissance des végétaux en hiver n’est pas le froid mais le manque de lumière. Une fois que l’on passe en dessous de 10h d’ensoleillement par jour la croissance des végétaux réduit drastiquement. Tout l'enjeu est d’implanter les légumes pour qu’ils atteignent les ¾ de leur taille adulte avant la date fatidique où le soleil vient à manquer. Une fois passer cette date ils finiront leur croissance doucement durant l’hiver.
• La protection climatique. Finies les cloches en verre, place à d’autres outils comme les voiles de forçage qui fonctionnent globalement comme une couverture pour se protéger du grand froid.
  
  Si le sujet vous intéresse, allez voir l’ouvrage Des légumes en hiver, Produire en abondance même sous la neige d’Eliot Coleman.

Et pour finir de vous convaincre, voici une petite liste de légumes que l’on peut avoir au jardin en hiver : betterave, blette, carotte, céleri (rave et branche), clayton de cuba, épinards, laitue, mâche, mizuna, oignon vert, oseille, pak choi, chou chinois, poireau, chou kale, chou-rave, ail, chicorée, cresson, radis daïkon, fève, maïs, échalote, mesclun, navet, pois, pourpier, rutabaga, salsifis…

Sans parler des fruits et des herbes aromatiques ! Alors, on peut bien manger en hiver aussi ?